Alors que les mexicains endiablés de Repos Prod devraient sortir au début de l’été 2008 une nouvelle édition de Pit, j’aimerais que l’on s’intéresse de plus près à ce jeu vieux de plus d’un siècle. Je vais donc vous conter l’histoire qui mena à la rencontre de 2 hommes, je vous le dis tout de suite, çà ne finira pas comme Brokeback Mountain (n'en déplaisent à certains).
En 1867, Mr. et Mme Parker de Salem, Massachusetts accueillent dans leur foyer leur troisième fils, George S. Parker. Durant son adolescence, George voulait devenir journaliste mais cela ne l’empêchait pas de passer beaucoup de son temps libre avec ses amis à jouer aux échecs, aux dames, aux dominos et à l’un des premiers jeux de plateau publiés aux Etats-Unis : The mansion of Happiness. De l’avis général de ses amis, ce jeu était bien trop moral. Pour vous résumer le jeu, vous jetez des dés qui font avancer votre pion sur une spirale, le but étant d’arriver au centre du plateau. Certaines cases comme Honnêteté, Tempérance, Justice font avancer votre pion, d’autres comme Cruauté, Ingratitude vous font reculer. Je suis d’accord avec vous que si on le ressortait de nos jours, il n’aurait pas forcément autant de succès qu’à son l’époque… George pensait, lui, que le but d’un jeu était d’apporter du fun et non pas d’inculquer quelconque principe. Vous comprendrez alors que le terme « jeu de société » prend tout son sens si on le remet dans le contexte de l’époque.
Il faut savoir que dans les années 1880, jouer aux cartes n’est pas bien vu car cela est associé aux jeux d’argent. Ce n’est pourtant pas cela qui l’empêche d’inventer un jeu de cartes et d’y jouer avec ses amis dans leur club. Il y a alors 160 cartes, une banque qui permet à un joueur d’emprunter de l’argent à un certain taux d’intérêt, la possibilité de faire des partenariats avec des joueurs et de partager les gains. A la fin du jeu, on regarde qui a le plus d’argent et il est déclaré gagnant de la partie. Ah bah oui, on commence à rentrer un peu plus dans le jeu de société moderne en apportant cette petite touche de spéculation qui plait tant. Un jour d’automne 1883, Arthur Wellington, un membre du club lui fait la remarque pertinente que tout leur groupe d’amis kiffent son jeu et qu’il devrait tenter de le faire publier.
Après avoir son consulté son grand frère Charles, George âgé alors de 16 ans décide de tenter l’aventure et de soumettre son jeu, Banking, à deux éditeurs de livres à Boston. Il y eut énormément de parties de jeu afin de clarifier les règles, de polir certains points et de roder le jeu avant de présenter le jeu fini. Malgré ces efforts, les 2 abrutis de Boston lui claquèrent la porte au nez. En fait, il y en a un qui fut un peu moins con (ou plus, çà dépend du point de vue) ; il lui suggéra tout simplement de publier lui-même le jeu. George, plus confiant que jamais à ce moment et disposant alors en tout et pour tout de 50$ d'économies, dépensa 40$ pour avoir 500 sets de cartes de Banking dans de jolies boiboites. Les 10$ restants de ses économies serviraient à ce moment là à couvrir les frais d’expédition s’il y en avait. Et il y en eut !
A noël 1883, il avait quasiment tout vendu aux marchands de Boston, Providence, Worcester et Salem. Il avait non seulement récupéré ses 50$ mais aussi fait un profit de 100$. George S. Parker Company était alors créée cette même année. Le marché des jeux de société explosa à la fin des années 1880, et George persuada son frère Charles de le rejoindre dans cette aventure qui s’annonçait magique. L’entreprise fût alors renommée Parker Brothers. Edward H. Parker, le plus âgé des frères, les rejoignit en 1898.
George passait la majorité de son temps à développer de nouveaux jeux et à les tester. Pour s’assurer que ceux-ci restaient agréables à jouer avec le temps, il jouait avec tout le monde, employés, amis et quiconque qui s’asseyait à côté de lui. En 1888, le catalogue Parker Brothers contenait 29 jeux qui pour la majorité avaient été créés par George. Il faut savoir que durant cette période, de nombreux jeux de Parker Brothers étaient basés sur des évènements contemporains comme Klondike relatant la ruée vers l’or en Alaska ou encore War In Cuba traitant de la guerre entre les Etats-Unis et l’Espagne en 1898. Ainsi au début du 20ème siècle, le marché du jeu avait considérablement grandi et la compagnie Parker Brothers faisait partie des grands acteurs de ce marché.
En 1903, Harry Gavitt publia un jeu du nom de Gavitt’s Stock Exchange. Dans ce jeu, les joueurs échangent des cartes afin de se constituer une famille complète d’une richesse boursière associée aux chemins de fers ; mais tout çà sans tour, sans ordre, dans la plus grande anarchie en appelant seulement le nombre de cartes qu’on l’on souhaite échanger et en espérant recevoir la famille que l’on commence. Le principe est posé ! Vous vous dites certainement qu’Harry va rencontrer Sally, euh George. Et bien non !
Edgar Cayce, lui, si. A la fin du printemps 1903, il demanda à George s’il pouvait se rencontrer car il avait eu une idée pour un jeu de cartes surprenant baptisé Pit. Vous sentez gros comme une maison la suite ? Vous avez raison.
George vint le voir pensant à ce moment là que celui-ci lui proposerait certainement un jeu de cartes de voyance ou de diseuse de bonne aventure. Je ne vous l’ai pas dit ? Edgar Cayce n’en était encore qu’à ses débuts mais il s’était proclamé médium. Il possédait à ce moment là seulement le don de « lire » les problèmes relatifs à la santé des personnes qui l’interrogeaient. Même qu’un ange lui serait apparu à 13 ans pour lui demander quel était son désir. Il aurait répondu qu’il voulait aider ses semblables. Perso, c’était la sega mega drive.
George trouva le système complètement révolutionnaire malgré quelques défauts qui le gênaient. Il décida tout de même d’acheter à Edgar Cayce les droits de son œuvre qu’il avait pour l’occasion modifiée. Et oui, c’étaient désormais des cartes blé, maïs, avoine et orge qu’on s’échangeait. George ne revit plus jamais Edgar. Il ajouta pendant ses phases de tests 2 cartes qui permettaient de pimenter le jeu : L’Ours et le Taureau. Le premier était toujours mauvais, le second était parfois mauvais parfois bon.
Ayant un pressentiment pour ce jeu, George se dépêcha de le produire. Je me demande personnellement s’il n’avait pas peur qu’Harry Gavitt réclame son dû. En fin d’année 1903, les premières ventes explosèrent. C’était la première fois que George était si excité par la popularité d’un jeu édité par Parker Brothers. Plus de 750 000 boîtes de Pit avaient été vendus partout dans le monde en seulement 14 mois. Dans le catalogue on pouvait lire :
Pit, The Latest Craze, as a pure, fun-making game FOR LAUGHTER, EXCITEMENT and a general good time, PIT has no rival.
Forcément à 50 cents le jeu, tout le monde se l’arrachait. Il y eut même une pénurie devant la demande. Pit était devenu le jeu qui avait rapporté le plus à Parker Brothers depuis sa création.
Depuis, de l'eau a coulé sur les ponts me direz-vous. De nombreuses rééditions de Pit ont vu le jour. Vous trouverez dans ce petit diaporama toutes les photos de Pit que j'ai trouvées sur Internet. pour ceux qui voudraient se procurer une ancienne version, il y en a énormément sur ebay. Pour les autres, je vous rappelle que Repos Prod édite à nouveau Pit et je peux vous assurer que je ne serais pas le seul à me l'offrir !
Fiche descriptive de Pit